Friday, July 26, 2024
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Qui Compose Cette « Ultra-gauche » Accusée Par Le Gouvernement Après Les Violences À Sainte-soline ?

by Allard Depaul
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La manifestation anti-bassines qui a eu lieu samedi 25 mars dans les Deux-Sèvres a fait de nombreux blessés chez les gendarmes et chez les manifestants. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dénonce la « violence extrême » de « l’ultra-gauche ». Mais que désigne exactement ce terme ? Qui le ministre accuse-t-il ainsi ?

« À Sainte-Soline, l’ultra-gauche et l’extrême gauche sont d’une extrême violence contre nos gendarmes. Inqualifiable, insupportable. Personne ne devrait tolérer cela. Soutien total à nos forces de l’ordre. » Sur Twitter, Gérald Darmanin s’est empressé de condamner les violences qui ont fait de nombreux blessés chez les gendarmes et chez les manifestants, samedi 25 mars dans les Deux-Sèvres, après la manifestation anti-bassines. Accusant « l’ultra-gauche », le ministre de l’Intérieur pointe une nouvelle fois une mouvance aussi floue que fantasmée.

« D’occupations en manifestations, de zones à défendre, en blocages, « l’ultra-gauche » tient le haut du pavé médiatique, soulignait en 2019, la Fondation Jean-Jaurès dans un articlePourtant, elle est aussi souvent évoquée qu’elle reste mal connue. » Si Gérald Darmanin associe « l’ultra-gauche » à « l’extrême gauche », qu’en est-il vraiment ? Sont-elles différentes ? Qui appartient à cette mouvance ? Nous avons posé ces questions à Michel Kokoreff, sociologue et professeur des universités à Paris 8, auteur de Spectres de l’ultra-gauche, publié en 2022, aux Éditions L’Œil d’or.

Michel Kokoreff, de quand date l’utilisation du terme « ultra-gauche » ?

C’est un mot qui apparaît pour la première fois au début du XXe siècle, entre 1917 et 1923, dans le contexte de la révolution russe et de la révolution allemande. On associe souvent ce terme à Lénine, qui, en 1920, écrit une brochure au titre évocateur de Gauchisme, la maladie congénitale du communisme. À cette époque, le gauchisme refuse la social-démocratie mais aussi la toute-puissance du parti et l’organisation centralisée des masses. D’une certaine manière, ces idées sont restées. Aujourd’hui on entend par « ultra-gauche » des courants antiparlementaires, anti-léninistes, anti-trotskistes, anti-autoritaires, anti-capitalistes, assez proches des mouvements anarchistes.

En 2023, qui emploie le terme d’« ultra-gauche » ?

Le pouvoir. Du président de la République au Premier ministre en passant par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. En 2016, au moment de la loi travail et de « Nuit debout », Manuel Valls [Premier ministre sous le mandat de François Hollande, NdlR] avait lui aussi invectivé « l’ultra-gauche ». Ce terme est repris par les médias mainstream [dominants, NdlR], plutôt de droite, comme Le Point et Valeurs Actuelles. Mais comme il y a une espèce de flou sur ce mot, des journaux dits progressistes, comme Le Monde, pourraient reprendre le terme, sans que l’on sache vraiment où il se situe dans le spectre politique…

Justement, « l’ultra-gauche » et « l’extrême gauche » sont souvent associées. A-t-on raison de les assimiler ?

L’ultra-gauche, ce n’est ni l’extrême gauche ni la gauche de l’extrême gauche, qui, elle, est trotskiste et léniniste (Nouveau Parti anticapitaliste ou Lutte Ouvrière). L’ultra-gauche n’est ni de droite ni de gauche, mais quelque part ailleurs, en dehors du spectre qui va de l’extrême droite à l’extrême gauche. La difficulté à localiser l’ultra-gauche est un symptôme d’une transformation de l’espace politique où on a du mal à se retrouver et où on considère Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise comme l’extrême gauche.

Comment pourrait-on définir l’ultra-gauche si elle n’est pas un courant politique associé à l’extrême gauche ?

Les policiers parlent de « nébuleuse », ça fait très complotiste. Je préfère parler de « constellation » et non de groupuscules, car l’ultra-gauche est très peu formalisée. C’est un ensemble de groupes affinitaires qui sont en réseau mais ne sont pas hiérarchisés entre eux. Et dans cette galaxie de groupes, on retrouve les autonomes, les anarchistes, les antifascistes, les féministes, les antiracistes et les écologistes qui ne se cantonnent pas aux mouvements de désobéissance civile organisés, comme Extinction Rebellion. C’est donc un ensemble de courants qui se retrouvent derrière un tas de valeurs anti-autoritaristes liées à la démocratie directe et à l’autonomie.

Si l’ultra-gauche regroupe autant de sensibilités différentes, peut-on tout de même établir un profil type de personnes ?

Ce n’est pas mon affaire. Il s’agit plutôt des militants et des activistes assez jeunes, entre 16 et 35 ans. Cette année, on peut aussi remarquer que des très jeunes ont pris part aux mobilisations contre les retraites. Dans les « Black blocs », ce sont parfois des collégiens de 13-14 ans qui vont tout feu tout flamme vers les CRS, ne sachant pas vraiment ce qui les attend. Ils sont plutôt issus des petites classes moyennes, plutôt blanches, avec un fort capital culturel et scolaire et un faible capital économique. Mais quand on sort des grandes villes on retrouve aussi de personnes issues de milieux plus populaires, qui viennent de lycées techniques et professionnels ou qui sont au chômage.

Pour résumer, c’est un mouvement interclasses, entre petites classes moyennes et classes populaires. Méthodologiquement, c’est très compliqué de réaliser des statistiques sur ceux qui composent l’ultra-gauche car ils sont très méfiants. Pour répondre à la question : « Qui sont les membres de l’ultra-gauche ? », nous n’avons pas de données chiffrées mais des enquêtes ethnographiques.

Dans un tweet, le président des Républicains, Éric Ciotti, parle de « terroristes » pour évoquer les manifestants de Sainte-Soline. L’ultra-gauche est-elle par nature violente ?

L’ultra-gauche est considérée comme une menace, voire comme un groupe terroriste. On assiste là à une bonne vieille technique de manipulation des foules pour faire peur. Pourtant la violence n’est pas une caractéristique de l’ultra-gauche. Dans ces mouvances radicales, le recours à la violence se traduit par des dégradations de grandes enseignes ou de banques, éventuellement elle peut aussi passer par l’affrontement avec les forces de l’ordre. Mais puisque, par définition, la violence politique populaire est illégitime, elle est disqualifiée par l’État qui lui a le pouvoir et le monopole de la violence « légitime ».

En France et ailleurs, la violence ne vient pas seulement de l’ultra-gauche. Les mouvances identitaires, nationalistes et fascistes, aussi appelées « ultra-droite », sont autrement plus dangereuses et violentes que ne l’est l’ultra-gauche. Une chose est sûre, depuis la sortie du confinement, l’ultra-gauche retrouve son rôle social et devient de plus en plus importante.

Source: Ouest-france

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