Wednesday, December 25, 2024
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Émeutes de Nanterre : l’impuissance politique ?

by Robert Braud
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Après plusieurs nuits de violences dans de nombreuses villes en France, une certaine accalmie s’observe depuis ce week-end. Augmentation des effectifs policiers, mise en place de couvre-feux… Le gouvernement a-t-il réussi son pari d’éviter l’état d’urgence 

Une surenchère de la violence depuis 2005

“Il y a un phénomène jamais connu en France, où les maires, ces hussards de la République, subissent des violences inouïes, disproportionnées, qui mettent à mal et qui montrent comment notre République est à bout de souffle,” commente Philippe Rio. Il explique : “Nous n’avons plus les moyens d’agir. Depuis maintenant quinze ans, nous sommes en restriction budgétaire. Nous sommes des personnes du lien. Et si je prends le parallèle avec l’hôpital qui est le lieu du soin, on voit bien que notre pays, notre République, ne prend plus de temps pour le soin et pour le lien. L’ambition pour les collectivités locales n’existe plus dans ce pays.”

Pour Marwan Mohamed, les émeutes de Nanterre s’inscrivent “dans la continuité des révoltes précédentes. Depuis les années 70, il y a des mobilisations, il y a des révoltes contre les violences, contre les crimes policiers. On est monté crescendo en 2005 avec de grandes attentes, notamment sur des modifications du comportement de l’Etat à travers sa police à l’égard d’un certain nombre de ces citoyens, notamment des classes populaires et des populations issues de l’immigration post-coloniale. De ce point de vue-là, les attentes ont été déçues. À l’inverse, les choses se sont clairement aggravées.”

Il poursuit : “Il y a eu énormément de mobilisations conventionnelles entre chaque période, de mobilisations de collectifs contre les violences policières qui sont montées de manifestations, de lettres, de pétitions, de livres blancs, d’organisation, de débats. Mais la plupart ont été stigmatisées, criminalisées et mises de côté. Or si l’on n’a plus d’interlocuteurs, on obtient des grappes de gens en colère qui se mobilisent et qui se greffent à d’autres personnes.”

La nécessité d’un accompagnement éducatif

“Les magistrats, l’accompagnement éducatif de celles et ceux qui, mineurs, commettent des infractions et des délits sont dans un état véritablement catastrophique, déplore Philippe Rio. “On a besoin de services publics. Faisons grande cause nationale de l’enfance et de la jeunesse. Dans notre pays et Grigny 50% des élèves sortent du système scolaire sans diplôme. Le problème, ce n’est pas la politique de la ville ou la rénovation urbaine, c’est l’Education nationale qui doit se réinterroger. En matière de santé mentale, 250 enfants sont traités mais sont traités pour des soins. Il y en a 250 autres qui attendent. Mais ce sont des gens qui sont dans l’échec, dans l’attente d’un soin.

Une révolte hybride

“Les révoltes ont toujours été hybrides, c’est-à-dire une locomotive et un souffle. Rappelle Marwan MohamedLes révoltes, quand on regarde en détail, c’est aussi un espace d’opportunités. Il y a à la fois des gens qui trouvent ça ludique, il y a aussi des gens qui cherchent un espace d’opportunités. Tiens, on peut, on peut augmenter notre pouvoir d’achat, récupérer quelques biens de consommation. C’est aussi un moment dans lequel certains règlent leurs contentieux avec tel commerçant, tel élu, tel autre personne. Le sociologue insiste : Il faut éviter pour les adultes de plaquer sur des adolescents des rationalités qui sont celles des adultes, les adolescents. Et ils ont leur vision quand on les écoute. Et très peu de journalistes sont allés leur parler, leur donner la parole, les écouter.”

Il ajoute : “La réflexion sur ce que font ou ne font pas les parents, le rôle des réseaux sociaux ou des jeux vidéo nous éloigne de l’essentiel. L’essentiel, c’est que l’on est dans une dynamique de révolte. Il faut faire attention, mais je pense qu’on se trompe et on entretient une espèce de déni et on pose les graines des prochaines révoltes. Si on commence à se focaliser sur des logiques ou des explications plus secondaires, on n’essaie pas d’affronter l’essentiel.”

Penser la suite : mesures symboliques et initiatives d’insertion

Le maire de Tours Emmanuel Denis commente :“Le préfet a décidé d’un couvre-feu pour les mineurs. L’idée, c’est d’essayer de faire en sorte que les enfants, les jeunes restent chez eux. Et puis aussi d’interpeller les parents et de les mettre en responsabilité vis-à-vis des jeunes.” Il nuance cependant : “pour autant, je pense que les problèmes ne sont pas résolus. Donc on reste très attentifs en tous les cas. Alors est-ce que c’est ça qui a changé les choses ? Je ne sais pas, mais l’objectif, c’était vraiment de sensibiliser, d’avoir un choc au niveau des familles pour que ces jeunes qu’on a vus dans les rues commettre des méfaits puissent rester chez eux et que les parents réagissent.”

“Au départ, c’est vraiment le résultat de politiques publiques qui n’ont pas été menées ou qui ont été mal menées et qui font qu’aujourd’hui on a ce sentiment chez les jeunes. J’ai eu l’occasion d’en rencontrer quelques-uns et c’était assez intéressant parce que justement, c’étaient des témoignages où on ressentait fortement cette ségrégation, l’exclusion de ces jeunes par rapport au reste de la société. Et puis il y avait des travailleurs sociaux qui étaient présents aussi, qui mettaient en avant certaines initiatives qui fonctionnent.”

“On a ici eu une initiative d’insertion par le sport où on prend en charge une dizaine de jeunes qui sont suivis par un coach sportif et par des travailleurs sociaux qui essayent de faire un cv, d’aller vers l’emploi, de retrouver confiance en eux, de retrouver un sens aussi. Et l’assistante sociale a justement interpellé quelques jeunes qui avaient participé à ce programme et leur a rappelé toute l’application qu’ils avaient mis dans ce programme, leur a rappelé le sens et les a aussi complimentés sur toutes les qualités qu’ils avaient. On a senti dans leur regard que quelque chose se passait et ce type de dispositif fonctionne, mais c’est une goutte d’eau dans ce qu’il faudrait faire. En tous les cas, retrouver confiance en soi, retrouver de la solidarité, retrouver l’esprit de groupe, retrouver un avenir et du sens, c’est forcément sur ces leviers-là qu’il faut agir. Et ces jeunes-là, ils sont rentrés chez eux.”

Source: Radio France

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